Guerre en Ukraine et vie scientifique internationale 🇺🇦

Bonjour à toutes et à tous ! Il n'y a pas eu d'émission cette semaine pour cause de tournage du deuxième épisode de la série “Lieux de Science”, consacré aux bibliothèques universitaires (vous pouvez retrouver en story sur Instagram quelques images des coulisses du tournage).

Je voulais initialement en profiter pour revenir dans cette newsletter sur une précédente émission. Au vu de l'actualité, je me suis dit qu'il serait sans doute plus intéressant d'évoquer la façon dont la communauté scientifique réagit à l'invasion de l'Ukraine par la Russie.

Lu, vu, entendu spécial Ukraine

Bien avant que l'attaque russe ne soit lancée, nombreux étaient les membres de la communauté scientifique internationale qui exprimaient leurs craintes sur les conséquences que pourrait avoir un conflit sur la sécurité des chercheurs ukrainiens et sur leurs travaux.

A commencer par les chercheurs ukrainiens eux-mêmes. Cet article de Nature, paru samedi dernier, décrit leur profonde inquiétude. Avec l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, ils avaient déjà perdu une grande partie de leurs ressources matérielles et financières. Avec le conflit qui débute, c'est peut-être leur vie qui est en jeu.

Face à cela, l'indignation saisit une immense partie de l'opinion publique internationale, y compris de nombreux chercheurs russes. Le Monde relayait vendredi le cri de désespoir et de colère de 664 chercheurs russes qui assistent, impuissants, à l'invasion de l'Ukraine par leur pays et rappellent les effets mortifères du révisionnisme et des lectures partisanes de l'histoire : “L’Ukraine était et reste un pays dont nous sommes très proches. Nombreux sont ceux, parmi nous, qui y ont des parents, des amis et des collègues chercheurs. Nos pères, grands-pères et arrière-grands-pères ont combattu ensemble le nazisme. Déclencher une guerre pour satisfaire les ambitions géopolitiques des dirigeants de la Fédération de Russie, mus par des considérations historiques fantaisistes et douteuses, ce n’est pas autre chose que trahir leur mémoire.”

Partout dans le monde, du petit laboratoire au grand organisme national de recherche, de l'université à l'association scientifique internationale, les institutions manifestent leur soutien à l'Ukraine et à sa communauté scientifique.

Jeudi, l'EUA déclarait par exemple"se tenir solidairement aux côtés de ses 26 membres présents à l'heure actuelle en Ukraine" tandis que France Universités (ex-CPU) publiait un communiqué appelant notamment à une mobilisation de "toutes les énergies pour la sécurité des étudiantes et des étudiants". Vendredi, le CNRS exprimait son soutien sur Twitter par la voie d'Antoine Petit, pendant que le communiqué du Groupe de Coïmbra rappelait l'importance de défendre le droit à l'éducation et les libertés académiques.

On pourrait continuer la liste des institutions qui, selon des formes d'expressions variées, manifestent leur soutien moral à l'Ukraine, sa population, sa communauté scientifique.

Indignation vs sanction

C'est bien le moins qu'elles puissent faire, dira-t-on.

Et justement, d'autres voudraient aller plus loin. C'est le cas de Christian Ehler, député allemand au Parlement européen, pour qui l'UE devrait suspendre les paiements prévus à la Russie dans le cadre du programme Horizon Europe, suivant en cela l'exemple de l'Allemagne, qui a gelé tous liens avec la Russie concernant la recherche.

Dans certaines disciplines, on s'interroge aussi sur la meilleure façon de protester contre l'invasion russe. C'est le cas par exemple des mathématiciens, comme le note New Scientist : certains ont demandé le report ou le boycott de la prestigieuse Médailles Fields qui doit se tenir en Russie début juillet. Ou plutôt qui devait : l'ICM, association internationale organisatrice de cet événement, vient de décider, samedi, de le transformer en conférence virtuelle.

En attendant les effets possibles de ces protestations, les conséquences sur les collaborations scientifiques internationales de l'invasion russe se font déjà bien sentir, en particulier dans le domaine aérospatial.

Comme l'observe ArsTechnica, le devenir de l'ISS, conduite par les États-Unis et la Russie, est notamment en question. Sur Twitter (trad. ici), Dmitry Rogozin, directeur général de Roscosmos, l'agence d'aérospatiale Russe, a ironisé sur la décision de Joe Biden d'interrompre les collaborations scientifiques entre Russie et États-Unis : "Si vous bloquez la coopération avec nous, qui sauvera l'ISS d'un désorbitation qui pourrait impacter le territoire des États-Unis ou de l'Europe ?" Dans Ciel&Espace, on lit que le même Rogozin a annoncé que plus aucune fusée russe Soyouz ne décollera du Centre spatial guyanais jusqu’à nouvel ordre.

La guerre en Ukraine, c'est à craindre, continuera d'avoir des effets délétères sur la vie internationale de la recherche. Pour graves qu'ils soient, à dire vrai, ils semblent bien dérisoires à l'aune du désastre humain qui se déroule sous nos yeux.

#StandWithUkraine ✊