"Lieux de Science", le débrief

Ça y est ! Le 6e et dernier épisode de la série « Lieux de Science », consacré aux musées et centres de science, est sorti au début du mois. Après les observatoires astronomiques, les bibliothèques universitaires, les jardins botaniques et les grands équipements, terminer cette série en évoquant ces lieux qui jettent un pont entre science et société m’a semblé aller de soi.

Dans cette dernière vidéo, je vous emmène donc au Muséum de Toulouse, à la Maison Poincaré, à Cap Sciences et au Musée d’histoire de la Médecine de Paris Cité. J’y retrace à grands traits l’histoire de la vulgarisation scientifique en France, depuis les premières oeuvres de vulgarisation avant la lettre, comme celles de Fontenelle, jusqu’à ces lieux qui matérialisent aujourd’hui ce pont jeté entre science et société.

L’un des sujets que n'aborde pas l’épisode concerne le statut de la vulgarisation scientifique en France. Il existe en effet un vieux débat sur le point de savoir qui est le mieux à même de jouer le rôle de « passeurs de science », comme dirait le journaliste Pierre Barthélémy. Les scientifiques eux-mêmes ou des médiateurs de métier ?

Comme toujours, posée dans des termes si généraux, la question n’a pas vraiment d’intérêt. Mais, futile ou pas, j’ai longtemps cru qu’elle était assez récente.

En fait, pas du tout.

Les savants ont presque toujours considéré avec méfiance ces auteurs qui prétendaient diffuser des savoirs à la fabrication desquels eux-mêmes n’avaient pas participé.

Par exemple, si l’astronome François Arago décide de créer en 1835 les Comptes rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences, c’est au moins autant pour ouvrir les travaux de l’Académie aux journalistes que pour s’assurer que ces derniers n’aillent pas raconter de bêtises dans leurs articles.

Et, pour rester dans le domaine de l’astronomie, lorsque Camille Flammarion publie en 1862 son premier livre de vulgarisation scientifique, il se fait tout simplement renvoyer de l’Observatoire de Paris. « Monsieur, vous n’êtes pas savant mais poète », lui aurait dit son patron, le très peu commode Le Verrier, en le fichant à la porte.

Aujourd’hui, la situation est différente, évidemment. Mais, si les scientifiques et les médiateurs au sens large ne se regardent plus en chiens de faïence, il existe encore au moins deux lignes de partage.

La première traverse la communauté scientifique elle-même. Que toutes les chercheuses et tous les chercheurs n’aient pas la même appétence pour faire connaître leurs travaux au public n’est pas un problème. Il est plus problématique, en revanche, que celles et ceux qui se livrent à cet exercice soient parfois considérés comme des scientifiques de seconde zone par leurs pairs. Comme si le temps que ces chercheurs passent à faire de la vulgarisation scientifique impliquait un moindre investissement dans leurs recherches.

La deuxième ligne de partage se situe à l’étage supérieur, entre les acteurs institutionnels eux-mêmes. Est-ce que toutes les synergies existent entre les universités, les centres de science, les musées ? Pas si sûr.

Cet épisode marque aussi la fin de la série « Lieux de Science » - une série que j’ai imaginé pendant le premier confinement. Tout à mon enthousiasme pour ce projet, je ne me représentais pas alors ce dans quoi je m’engageais : une sacrée aventure. 6 épisodes de 15 minutes, soit 25 sites de science visités à travers toute la France, ça fait beaucoup d’heures passées à identifier et choisir les sites à raconter, beaucoup de temps aussi à préparer les aspects logistiques des tournages, à se déplacer,… sans parler de l’écriture et du montage des épisodes.

Dans cette tâche, je n’ai pas été seul, évidemment. J’ai pu compter sur une petite équipe de vidéastes doués et de monteuses talentueuses. Merci à elles et à eux, en particulier à Gwen Michaud, Louis Didaux et Laura Jannès.

« Lieux de Science », c'est aussi des rencontres avec des personnes passionnées par leur métier et par les lieux de science qu’ils contribuent à faire vivre. Tout en haut du Pic du Midi, dans les brumes matinales du jardin du Lautaret, sur le bateau qui m’a emmené au large de Roscoff, dans les réserves de la bibliothèque Sainte-Geneviève ou encore dans les longs couloirs du synchrotron de Grenoble, j’ai croisé le chemin de gens vraiment extraordinaires. A elles seules, ces rencontres valent l’énergie, le temps et, aussi, l'argent, investis dans la série.

C'est un sentiment que doivent connaître, j’en suis sûr, bon nombre d'entre vous : en science, une question en cache cent autres, et les sujets qu’on ouvre sont comme des poupées russes.

Toutes ces rencontres et ces lieux visités, toutes ces recherches documentaires m’ont inspiré de nombreux autres sujets. Si la série s’achève, elle va ainsi donner naissance à plein d’autres épisodes de Grand Labo.

Il y sera question de pratiques scientifiques, d’histoire des sciences, des défis sociaux et environnementaux qui traversent la recherche scientifique, et de tout ce qui fait la vie parfois méconnue de la science.

2024 devrait être une bonne année ! 


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