Le combat pour la libération de Fariba Adelkhah, "prisonnière scientifique" en Iran, entre dans une nouvelle phase

La chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkha est détenue en Iran depuis près d'un an. Au terme d'un procès kafkaïen, elle a été condamnée le 16 mai à cinq ans d'emprisonnement.

La mauvaise nouvelle a été annoncée ce 16 mai par la voix de son avocat, Saeid Dehghan : Fariba Adelkhah a été condamnée à cinq ans de prison pour « collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale » et un an pour « propagande contre le système » par la justice des Gardiens de la Révolution.

Jean-françois Bayart explique comment la détention de Fariba a été apprise en juin 2019

"Froide colère"

Attendue depuis le 19 avril - date du procès de l’anthropologue - c'est avec une « froide colère » que la décision du tribunal a été apprise par les membres du comité de soutien, explique Jean-François Bayart, l'un des membres fondateurs du comité de soutien. Espoir déçu, mais pas de profonde surprise, cependant : le sociologue Roland Marchal, emprisonné en même temps que Fariba Adelkhah et libéré le 20 mars dernier, rappelle en effet dans le live que l'emprisonnement de la chercheuse s'inscrit « dans une dynamique d'arrestations d'Iraniens accusés de vouloir contourner les sanctions américaines contre l'Iran ». L'accusation d'atteinte à la sûreté nationale, retenue pour condamner l’anthropologue, n'est de ce point de vue qu'un « mot-valise» destiné à donner un simulacre de fondement juridique a une décision avant tout politique.

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"Prisonniers scientifiques"

Car c'est bien au nom de calculs de politique internationale que des scientifiques comme Fariba Adelkhah sont retenus captifs ou mis en danger dans de nombreux pays. Toutes et tous n'ont d'ailleurs pas toujours un soutien équivalent à celui qui s'est naturellement organisé autour de Fariba Adelkhrah l'été dernier, comme l'explique Béatrice Hibou, politologue au CERI et membre fondatrice du comité de soutien. La chercheuse australo-britannique Kylie Moore-Gilbert, détenue elle aussi dans le quartier des femmes de la prison d'Evin à Téhéran, semble ainsi terriblement abandonnée à son sort.

Béatrice Hibou revient sur le dialogue entre le comité de soutien, le CNRS et Sciences Po

Béatrice Hibou et les autres membres du comité de soutien en sont convaincus : il faut élever la voix face à l'injustice que vit Fariba Adelkhrah. Comment ? « En demandant la suspension de la coopération scientifique institutionnelle entre la France et l'Iran », précise-t-elle. Mais cela ne risquerait-il pas de jeter de l'huile sur le feu sur cette crise diplomatique, au détriment du sort de la chercheuse détenue ? Béatrice Hibou ne le croit pas du tout et se demande comment la situation pourrait être pire. Quoiqu'il en soit, cette demande, pour l'heure, n'a pas reçu d'écho favorable de la part du Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, avec lequel les relations sont, depuis le début de cette affaire, assez compliquées, explique Béatrice Hibou. Le comité de soutien de Fariba lui reproche, ainsi qu'au CNRS, d'avoir tardé à apporter sa voix au combat pour la libération de la chercheuse, et de ne le faire aujourd'hui qu'avec tiédeur.

Sandrine Revet à propos de la pression qui pèse sur les scientifiques dans le monde

En dépit des l'annonce de la condamnation de la chercheuse, la mobilisation en faveur de sa libération immédiate et inconditionnelle ne faiblira pas, les membres du comité de soutien de Fariba Adelkah l'assurent. Le 5 juin prochain, la chercheuse franco-iranienne aura été emprisonnée depuis un an : à cette date, des actions seront organisées. Le combat, par bien des aspects, ne fait que commencer.


Le live dans son intégralité diffusé samedi 16 mai sur la chaine YouTube de Grand Labo :


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