"The Lancet" mis en cause
Alors que le déconfinement s'organise petit à petit dans les laboratoires, en France comme ailleurs, chacun commence à dresser le bilan de l'impact que la crise sanitaire aura plus ou moins durablement sur la vie de la recherche. Prenez la soutenance de thèse par visioconférence, par exemple, thème de notre live hebdo d’il y a quelques semaines. Réservée d’ordinaire à des cas exceptionnels, elle est devenue un exercice imposé pour de nombreux docteurs à travers le monde, comme le raconte le MIT sur son blog.
COVID19 n'aura pas causé de problèmes qu'aux doctorants, bien sûr. Celles et ceux dont c'est le métier de transmettre la science ont également dû s’adapter à la crise, comme nous l'évoquions récemment dans un article et un live. Car parler d’un virus dont on sait relativement peu de choses est loin d’être une sinécure. Et le dessiner aussi, d’ailleurs !
Dans un article du Paris Review du 18 mai, Rebekah Frumkin met en lumière les difficultés rencontrées par des artistes et journalistes de plusieurs grands journaux à livrer une représentation juste du virus. Heureusement, si travailler avec des scientifiques, en tant qu’artiste, n’est pas toujours simple, l'exercice s'avère mutuellement fructueux, à en croire l'article de Paige Jarreau paru mercredi sur Lifeology, dans lequel 15 artistes racontent leur collaboration avec des chercheurs.
Parler dans les médias du SARS-CoV-2 est d’autant plus difficile qu'à la complexité scientifique du sujet se mêlent des enjeux qui n'ont, eux, rien de scientifiques. Au Brésil, après la publication d’une étude pointant du doigt la dangerosité d’un traitement à base de chloroquine, des chercheurs ont reçu des menaces de mort.
L'étude publiée dans The Lancet le 22 mai, qui va dans le même sens et a conduit trois jours plus tard l’OMS à suspendre temporairement les essais sur les traitements à base de chloroquine et d’hydroxychloroquine, est elle-même peu après sous le feu des critiques. Vendredi, The Lancet a publié une correction relative aux données exploitées. Sciences et Avenir a publié hier une interview du coauteur de l'étude, Sapan Desai, qui y explique que les erreurs relevées ne remettent en cause ni « les résultats de notre étude ni ses conclusions ».
Autre sujet que la crise a mis en lumière : la question du partage des données produites lors d’études scientifiques. Elle se pose avec toujours plus d’acuité, comme l’explique la chercheuse Maria Gatta dans son article paru dimanche dernier dans Massive Science. Les paywalls et la barrière des langues rendent inexploitables des informations scientifiques qui seraient pourtant fort utiles aux populations locales dans lesquelles sont pourtant conduits ces travaux de recherche.
En filigrane, c’est la question de l’avancée internationale de la science ouverte qui est - encore - posée. Sur ce sujet, les choses bougent, cependant. C’est ainsi que l’UNESCO, qui prépare une recommandation sur la science ouverte, probablement pour cet été, a lancé un questionnaire en ligne. Si vous souhaitez y participer, le Comité de la science ouverte vient de publier de son côté quelques recommandations pour y répondre.
Et aussi
L’édition 2020 de l’Etat de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France est sortie ce mercredi. Nous y avons consacré un petit thread sur Twitter pour en dégager les traits saillants. On y lit notamment qu’entre 2007 et 2017, « la dépense intérieure de recherche et développement expérimental a progressé de 1,6 % par an, soit à un rythme deux fois supérieur à la progression du PIB (+ 0,8 %) ». Deux nouvelles thématiques apparaissent dans le rapport : la validation des acquis de l'expérience et la position scientifique et technologique de la France dans la recherche sur le médicament.
Près du centre CEA de Cadarache, ITER vient de franchir une étape symbolique. L’assemblage du réacteur à fusion nucléaire pour produire de l'électricité réunissant 35 pays, pour un budget de 20 milliards d'euros, a débuté cette semaine. La pièce la plus lourde et la plus grande a été mise en place, ce qui a nécessité l'intervention de 200 personnes pendant 2 jours.
Mercredi, la Commission européenne a publié son projet sur sept ans de remise sur pied économique de l'Europe en se fondant en grande partie sur la science et l'innovation. L'effort d'investissement semble toutefois insuffisant aux yeux de l'European University Association comme de la Ligue des Universités de Recherche Européenne.
Evenements
- Sprint science ouverte : éditer et traduire collaborativement le manuel Open Science Training Handbook de Foster Open science organisé par l'URFIST de Bordeaux le 26 juin 2020 ;
- Tous les lives recensés par le collectif Science en Live dans les prochains jours.
Envoyez-nous vos suggestions d'événements à hello@grandlabo.com.
Focus : l’institut Covid-19 Ad Memoriam
“Associer des “mondes” multiples - chercheurs, soignants, artistes, juristes, associations de victimes, autorités spirituelles et culturelles et grands courants de pensée, représentants de la société civile, philosophes, entrepreneurs… - pour penser ensemble la pandémie de Covid-19” : c’est l’objectif de l’institut Covid-19 Ad Memoriam, qui a vu le jour cette semaine, sous l’égide du WHO Collaborative Center for Research on Health and Humanitarian Policies and Practices de l’IRD basé au CEPED (Université de Paris, IRD, Inserm). Il sera notamment financé par le CNRS, l’ENS-PSL, l’Inserm ou encore l’IRD. L’ambition, en réunissant des acteurs de nombreux domaines, est de penser l’après-pandémie : plus que de comprendre comment celle-ci a immobilisé le monde, il s’agit de réfléchir aux bouleversements qu’elle a parfois imposé ou accéléré : le télétravail, des nouvelles formes de socialité, etc.
L'institut, présidé par les professeurs Jean-François Delfraissy (président du conseil scientifique Covid-19) et François Barré-Sinoussi (Président du Care Covid-19), s’appuiera sur deux plateformes : une première permettra de partager les projets de recherche s’intéressant à l’impact sociétal de la pandémie, alors qu’il sera possible, sur une seconde, de déposer des propositions en matière de politiques publiques et de pratiques commémoratives. Une initiative qui s’appuie donc, entre autres, sur les sciences humaines pour comprendre cette crise - nous avions justement dédié un live à cette question de la place des SHS dans le courant du mois d’avril.
Wait, what ?
Faute de pouvoir organiser leur cérémonie annuelle de remise des diplômes en bonne et due forme - COVID19 oblige - les équipes du MIT l'ont organisée en ligne, au cours de laquelle a été diffusée cette... vidéo. Le projet Comusica, mené par le musicien et enseignant Evan Ziporyn, réunit les voix de plus de 800 diplômés du MIT de l'année 2020, enregistrées individuellement et assemblées pour créer une composition musicale qui s'achève par une mosaïque rassemblant tous les visages des participants.